Covoiturage.fr, une croissance non sans difficultés
Cet article est une analyse marketing de BlaBlaCar et des déboires que le service a connu lors de l’été 2012.
Moi-même fervent covoitureur, j’ai suivi cette affaire de près.
J’adore le covoiturage. Je conduis ainsi des voyageurs à peu près une fois par mois sur le trajet Toulouse-Bordeaux-Saintes pour rejoindre ma douce. Et franchement, je ne pourrais pas me permettre des trajets aussi réguliers si je ne partageais pas les frais d’essence et de péage avec d’autres personnes.
Au delà d’une moyen de se déplacer de façon économique, le covoiturage est une solution de voyage sociale, pratique et rapide. Il n’existe aucune solution aussi sympa ou peu chère pour voyager à part peut-être le stop. C’est également l’occasion de rencontrer des personnes de tous horizons et de faire passer les voyages à une vitesse folle.
Mais depuis peu, le service est dans la tourmente suite à un changement du mode de fonctionnement et notamment au niveau des paiements. C’est parce que j’aime tout particulièrement l’entreprise que je tiens à écrire cet article et faire une analyse de la situation pour le covoiturage en France.
Covoiturage.fr, autrefois « un parmi tant d’autres »
Covoiturage.fr est né en 2004 et au travers des différentes versions du site, a su créer une communauté grandissante. Alors qu’en 2008 il existait plusieurs sites de covoiturage avec une audience quasi-identique et que le marché semblait trop dispersé, à présent on peut dire sans honte qu’il y a un leader et qu’il domine de loin le marché. Avec une croissance annuelle de 135% depuis janvier 2009, le site a su attirer des covoitureurs de toute la France grâce au bouche-à-oreille avec sa formule gratuite.
Jusqu’à présent, Covoiturage.fr réussissait à proposer un service gratuit pour le grand public mais la pression financière a pris le dessus entre les frais d’hébergement, les salaires des employés et les actionnaires à satisfaire. Et en effet, les différentes levées de fonds laissent présager qu’un business-model viable a été trouvé.
Il faut dire que depuis le début, les recettes ne provenaient pas du consommateur final (le passager), elles étaient composées :
- des revenus publicitaires via les bannières affichées sur le site,
- des revenus issus de la mise en place de solutions de covoiturage pour les entreprises (B2B),
- des revenus du club Comuto, qui permettait à certains conducteurs de mettre leurs annonces en première position.
Mais maintenant les choses changent et ce sont donc les consommateurs finaux qui sont monétisés.
Le nouveau business-model
Ce sont donc les passagers qui doivent mettre la main à la poche. Ils sont nombreux, fidèles et ils voient bien que l’offre de covoiturage est concentrée sur un site principal (à 90% de par les dires de l’entreprise). Sur chaque trajet ils paient maintenant une commission composée d’une partie fixe de 0,60 € HT, d’une part variable de 7% HT et pour finir de la TVA sur cette commission (somme du fixe et du variable). Concrètement, cela fait une hausse de près de 15% pour les petits voyages et ensuite on tend vers un surplus de 10% par rapport aux tarifs pratiqués précédemment. Un voyage à 15 € auparavant passe maintenant à près de 17 € et cela en fait râler beaucoup !
Combinons à cela une obligation de payer par carte bleue, en avance et sans moyen d’avoir les coordonnées directes du conducteur avant le trajet… Et tous les repères que les habitués avaient depuis des années s’effacent et sont remplacées par des contraintes. D’un écosystème ouvert où chacun fait ce qu’il veut on passe à un modèle où tout est fermé et se débloque dès lors que l’on veut bien payer… Le rapport avec le service en prend un coup ! Mais quel intérêt à fixer autant de contraintes ?
Un tri sélectif dans la communauté
D’après l’équipe, il s’agit avant tout de rigidifier le système de réservation et éviter les désistements de dernière minute, les personnes qui prennent le voyage à la légère et qui tendent à dégrader l’image de l’ensemble de la communauté. Tout pour la fiabilité quoi. Et pour avoir voyagé avec certaines personnes qui découvraient le service et qui n’avaient aucune valeur de partage, d’échange et de savoir-vivre… C’est sûrement un mal pour un bien.
De ce que l’on peut voir sur les messages que certains conducteurs ont envoyé au site, le nombre de désistements n’a fait que croître avec l’arrivée de nouvelles personnes dans la communauté.
Sont donc maintenant écartées implicitement par le nouveau service les personnes qui :
- Veulent partir en covoiturage sur un coup de tête et veulent réserver au dernier moment
- N’ont pas de carte bleue
- Ne font un voyage que dès qu’ils sont sûrs d’avoir des passagers [pour les conducteurs]
- Ont su profiter du système pour voyager sans jamais payer les conducteurs
Bref, tous ceux qui pourraient continuer à entâcher l’image de la communauté et ralentir l’adoption du service par le grand public. Et c’est bien là où résidait le souci : la non-adoption par M. et Mme. Tout-le-monde. Le coup est plutôt réussi : il y a maintenant 2 millions d’inscrits et près de 3000 nouveaux par jour.
Une crise sur les réseaux sociaux magistralement contenue
Tous ces changements n’ont pas laissé les habitués de marbre. Et c’était franchement pas la joie sur la page Facebook de Covoiturage.fr récemment mais les choses semblent se calmer. Tout comme il existe le point Godwin, il existe le point Covoiturage.fr : un nombre de commentaires à partir duquel – peu importe la nature de la publication – il n’est plus question d’autre chose que de râler sur le nouveau système de réservations et la dénaturation du service de covoiturage en système capitalistique.
Quoi qu’il en soit, on peut dire que la situation est très bien gérée par la société qui a d’ailleurs modifié sa stratégie sur Facebook en personnifiant le community manager. Ainsi c’est la page Covoiturage.fr qui poste les statuts mais c’est ensuite Justine de BlaBlaCar [la community manager] qui répond aux commentaires. Astucieux, cela permet de mettre un visage derrière la société et cela me semble même indispensable sur les pages à forte interaction. Certes, cela ne fait pas tout et répondre à chaque commentaire de manière individuelle est déjà un super fort mais cela reste une idée à garder sous le coude si l’on veut personnifier son community management !
Au final…
Certains se plaignent d’avoir perdu tous leurs passagers, qu’ils ne remplissent plus leur voiture… Moi je suis comblé. La voiture ne s’est jamais remplie aussi vite et je n’ai pas besoin de passer la journée à répondre à toutes les sollicitations au téléphone. Je reçois juste des sms quand quelqu’un veut monter dans ma voiture et lors de mon prochain trajet, j’activerai le mode « Illico » : plus besoin de valider qui monte dans ma voiture, et pour cause : je n’ai jamais eu à refuser qui que ce soit ! Je baisserai également le prix de mes trajets de 1 euro pour que mes passagers n’aient pas à payer un gros supplément par rapport aux prix pratiqués avant.
Je pense que Covoiturage.fr – BlaBlaCar pour la version internationale – est vraiment sur la bonne voie même si au passage on va leur reprocher d’avoir industrialisé le covoiturage. Cette pratique va vraiment se démocratiser et le coup de dire « c’est pas fiable / on peut tomber sur n’importe qui / ça craint pour les filles qui voyagent seules » ne sera bientôt plus valable. Les prochains à râler ce seront les dirigeants de la SNCF qui perdront de plus en plus de voyageurs !
Si jamais vous n’avez jamais visité Covoiturage.fr, je vous invite grandement à le faire et pensez au covoiturage pour vos prochains grands trajets (les trajets quotidiens c’est pas facile à mettre en place) !
Et pour finir, je vous invite à aller voir l’infographie sortie en juillet 2012 pour voir toutes les statistiques de BlaBlaCar et si vous aimez vous aussi les infographies, vous aimerez mon board sur Pinterest !
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Bien résumé, en total accord avec toi et super article 😉
Salut Nico
Je valide une partie de ton article notamment sur l’utilité de ce site et son fort dévelloppement depuis quelques années
MAIS je mettrai un gros bémol sur le nouveau système de réservation à travers un exemple simple :
Je propose trois places un covoiturage Toulouse-Mont de Marsan pour 9 euros depuis une semaine.
Une personne ma contactez et j’ai confirmé sa réservation via l’envoi d’un SMS
Il me reste donc 2 places à pourvoir. Les jours passent et plus trop de demande et d’autres conducteurs proposent ce meme trajet à la même heure.
vous me direz normal.
Problème? En bon gestionnaire et voulant minimiser les frais de mon voyage, j’ai voulu baisser le prix de mon trajet à 8 euros (en informant bien sur le premier covoitureur de cette baisse pour qu’il en profite) pour attirer 2 autres personnes.
OR le site m’indique que dès qu »un covoitureur a réservé une place l’annonce n’est plus modifiable…
Je trouve cela vraiment dommage même si j’espère pouvoir remplir ma voiture d’ici vendredi.
C’est vrai que c’est dommage et c’est à cause du changement de système qui fait que les passagers paient avant. Et tant que le site ne peut pas faire un « compte » comme sur Paypal par exemple, ils sont obligés de garder des montants fixes une fois le voyage réservé…
Je suis personnellement déçu du changement de covoiturage.fr.
Je trouve dommage que le site impose le système de réservation pour les trajets longs. Il aurait été astucieux de laisser le choix entre des propositions de trajet libres avec mise en contact direct entre utilisateur et conducteur (le système avant) et des proposition avec réservation et payement en ligne (le système maintenant).
D’autre moyen de financement existent, plus simples, et qui sauvegardent ce coté l’arrangement entre utilisateurs : l’abonnement !! 2millions d’utilisateur, un abonnement de 1 ou 2 euros par mois par exemple, ça fait de quoi se financer quand même. Et ça aurait évité tout les désagrément de ce système :
– pas de mise en contact possible avant de payer (pourtant parfois nécessaire pour être sur du lieu de dépose, ou autre)
– pas de moyen de changer le prix en fonction du nombre de passager
– obligation de laisser ses coordonnées bancaires à chaque voyage sur le site
– des prix de voyage plus élevés
– une mentalité différente finalement, moins basé sur le partage entre personnes, mais plus apparentée à un service quelconque
– obligation pour le site d’envoyer des sms, d’avoir un service après vente etc
Bonjour Denis,
Pour ce qui est de la mise en contact avant de payer, il y a les questions/réponses qui marchent très bien ! Pour tout le reste après je suis d’accord mais toutes ces étapes sont pourtant nécessaires dans le processus d’industrialisation du covoiturage.
Le système d’abonnement a déjà été testé avec l’existence du club Comuto et s’il a été arrêté c’est sûrement pour une bonne raison !
Et pour moi, le partage reste là mais le respect est mis en avant. Autant la réservation est plutôt froide et inhumaine, autant le voyage ne change pas… Et les sollicitations au téléphone 24/24 avec des personnes qui ne prennent pas le temps de lire les annonces cela ne fait pas pour autant un « partage entre personnes ». Maintenant je sais que les gens lisent bien toutes les informations avant de réserver.
Après, il faut attendre. L’équipe de Covoiturage.fr travaille sur des améliorations, sur des changements… Laissons donc le temps au temps !
Un autre point qui a mon sens, semble essentiel. En effet depuis le passage au mode de paiement via le site, les » professionnels » du covoiturage qui pratiquent 2 A/R paris lyon par jours en remplissant a raz bord leur 3008 vont se retrouver a la merci du fisc. (Traçabilite des paiements). Et ca c’ est plutot positif pour l’esprit covoiturage!
Paleo
Tout à fait, il y a beaucoup de rumeurs quand à des personnes qui font du covoiturage leur activité principale. Et même si les modérateurs du site arrivent à les tracer, le frein à se lancer est encore plus grand.